Le Prix de la liberté
- Mathieu DEVRED
- 15 mai 2020
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 mai 2020
Mais pourquoi nous montrer ça ? Cette œuvre est particulièrement déroutante. Son sujet n’a rien d’attirant. Le martyre d’un religieux. « Le plus grand art d'un habile homme est de savoir cacher son habileté », disait le poète. Ici, l’artiste nous masque l’essentiel. Mais pour mieux le dire. Difficile de comprendre où il veut en venir. Il nous offre une image presque banale. Au premier abord, du moins. Le réalisme est saisissant. Un travail impressionnant. Ce petit bout de papier, cloué sur le mur sombre. Cet habit déployé là, vibrant sous les rayons d’un soleil rasant. Nous pouvons presque toucher l’étoffe. Jouer avec le drapé.
Mais ne soyons pas dupes. Nous sommes ainsi préservés d’un horrible spectacle. C’est, pour nous, l'occasion d’entrer dans sa profondeur. Regardons avec attention. Un cadavre se révèle. La peau est déjà grise. Une croix de saint André apparaît dans la pénombre. Le frère est solidement lié. Les chroniqueurs rapportent que l’homme était soldat. Devenu moine, il se consacre au rachat des chrétiens réduits en esclavage. Il apprend que des prisonniers sont prêts à renier leur foi. Pour sauver leur peau, sans doute. En toute hâte, il rassemble des aumônes et part payer le prix de la liberté. La somme ne suffit pas. Alors, pour accomplir sa mission, il s’offre lui-même en rançon.
Les Barbaresques vont se révéler particulièrement cruels. Éviscéré, démembré, égorgé. Tel sera son sort funeste. Zurbaràn ne nous montre qu’un manteau ouvert sur une tunique. Des bras repliés. L’insigne de l’ordre de la Merci, rouge, frappé de la Croix. Autant d’indices d’une folie sanguinaire.
La sauvagerie des tortionnaires nous est épargnée. Une certaine sérénité nous gagne. Mais l’indifférence nous est impossible. La victime est là. Offerte devant nous. Le supplicié semble attaché au cadre du tableau. Seule cette fenêtre de bois nous sépare. Nous ne pouvons plus rien payer pour relâcher le détenu. Mais il n’est pas trop tard. Nous pouvons encore nous donner. Quoi qu’il en coûte. La voie est tracée. Elle ouvre à la vie. À la liberté.
Je vous exhorte donc, frères,
par la tendresse de Dieu,
à lui présenter votre corps
– votre personne tout entière –,
en sacrifice vivant, saint,
capable de plaire à Dieu :
c’est là, pour vous,
la juste manière de lui rendre un culte.
Ne prenez pas pour modèle
le monde présent,
mais transformez-vous
en renouvelant votre façon de penser
pour discerner quelle est la volonté de Dieu :
ce qui est bon,
ce qui est capable de lui plaire,
ce qui est parfait.
(Romains 12, 1-2)
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Saint Sérapion
Francisco de ZURBARÀN, 1628

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