Beau comme un dieu ?
- Mathieu DEVRED
- 10 juin 2020
- 2 min de lecture
Un superbe jeune homme est penché au bord de l’eau. Les traits sont fins. Le vêtement délicat. Ses bras sont à l’aplomb du rivage. Une main sur la terre ferme. L’autre déjà dans les flots.
Les jambes sont repliées, mais la position est assez incompréhensible. Quelque chose ne tourne pas rond. Personne ne peut reproduire ce que nos yeux voient ici. Un genou dénudé semble être au centre de la scène. Au centre d’une belle symétrie. Le corps et son reflet forment un grand cercle. Mais le mouvement paraît figé. Narcisse – puisque c’est lui – est en train de s’égarer. Il dépérit. Absorbé.
Sa propre image l’attire. Jusqu’à entraîner sa chute. Son regard se perd dans l’onde. Plus rien ne compte. Le ciel, la terre et l’eau fondent l’un dans l’autre. Et il ne reste, dans ce décor, qu’une silhouette un peu désarticulée.
Il n’y a aucun échange. L’oreille, pourtant très visible, n’entend plus rien. Dans le miroir, le joli portrait a égaré ses yeux. Les orbites sont vides. Pendant de longs jours, encore, l’amoureux solitaire va se contempler. Et s’enfermer dans son erreur. L’abîme n’aura plus qu’à l’engloutir.
La fin est tragique. On aurait dit le garçon beau comme un dieu. En fait, il s’enfonce comme un démon. Son charme l’aura dévoré. Là où il pouvait être libre.
Cette sinistre aventure nous aidera certainement à lever un malentendu. Dieu n’est pas une sorte d’éternel éphèbe, toujours content de lui. Abandonnons cette illusion. Avec Maurice ZUNDEL, reconnaissons la vérité : « Dieu est pauvre, Dieu est radicalement désapproprié de soi, Dieu n’a rien et ne peut rien posséder, Dieu est l’Anti-possession et l’Anti-Narcisse. »
Jésus leva les yeux au ciel et dit :
« Père, l’heure est venue.
Glorifie ton Fils
afin que le Fils te glorifie.
J’ai manifesté ton nom
aux hommes
que tu as pris dans le monde
pour me les donner.
Ils étaient à toi,
tu me les as donnés,
et ils ont gardé ta parole.
Maintenant,
ils ont reconnu
que tout ce que tu m’as donné
vient de toi,
car je leur ai donné les paroles
que tu m’avais données :
ils les ont reçues,
ils ont vraiment reconnu
que je suis sorti de toi,
et ils ont cru
que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ;
ce n’est pas pour le monde
que je prie,
mais pour ceux
que tu m’as donnés,
car ils sont à toi.
Tout ce qui est à moi est à toi,
et ce qui est à toi est à moi ;
et je suis glorifié en eux.
(Jean 17, 1.6-10)
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Narcisse
Le CARAVAGE, 1598-1599

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