La Nuit de la nouvelle naissance

« Ah, professeur ! Vous rentrez bien tard… Votre dîner va encore être froid. » La gouvernante fronce les sourcils. Prends son air le plus grave. Mais elle sait déjà que Monsieur ne goûtera pas à la soupe, ce soir. Il est préoccupé. Trop préoccupé, pense-t-elle. Cela ne va pas arranger ses maux d’estomac.

L’ample toge universitaire n’arrive plus à cacher une terrible absence. L’honnête homme est plein de mille questions. Et vide, en même temps. Il étudie, explore, trouve parfois. Ses connaissances s’accumulent. Les étudiants le considèrent comme un maître. Plutôt réservé, voire timide. Reconnu par ses pairs. Toujours en quête de la vérité. Lui se voit comme un imposteur. Comme un « aveugle qui guide des aveugles. » (Matthieu 15, 14)

Le pas lourd, il monte à la bibliothèque. Son Cénacle, comme il dit. Le Livre est grand ouvert. Il est pourtant sûr de l’avoir refermé. Bien fermé. L’Homme de Nazareth occupe sa chaise. Et il n’en est pas surpris. Depuis le temps qu’il le cherchait. Il n’a pas le temps de formuler ses questions que le Seigneur lui répond. Un brin ironique. « Tu es un maître qui enseigne et tu ne connais pas ces choses-là ? » (Jean 3, 10)

Ce face-à-face confond l’entendement. L’excellent orateur en a le bec cloué. Le menton bien calé dans sa paume. Le Christ, lui, est éloquent. D’une main, il vient le chercher. De l’autre, il lui montre qu’il « faut naître d’en haut » (Jean 3, 7). Naître du Père. Le docteur reprend vie. Comme un enfant. Un fils bien-aimé.

Dans les carreaux se reflètent les doigts levés du Messie. Comme un feu pour éclairer le monde. Deux flammes l’accompagnent. Une lumière, plus forte se révèle au loin. Il va falloir sortir et vivre. Crier et se donner.

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour.

Je suis né dans la faute,

j’étais pécheur dès le sein de ma mère.

Mais tu veux au fond de moi la vérité ;

dans le secret, tu m’apprends la sagesse.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu.

Rends-moi la joie d’être sauvé.

Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins.

Seigneur, ouvre mes lèvres,

et ma bouche annoncera ta louange.

(Psaume 50, 3.7-8.12.14-15.17)

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🖼 Christus und Nikodemus

Fritz von UHDE, 1896