La Vallée de la Mort
- Mathieu DEVRED
- 5 déc. 2020
- 2 min de lecture
Je ne sais pas ce qui est le plus terrible. Emprunter le chemin encaissé, au milieu de ces gigantesques cadavres. Ou marcher dans la brume qui jonche le sol, sans plus arriver à le distinguer ?
Le brouillard est dense. Il masque tout. Les embûches se dérobent au regard. Impossible de gambader. Il faut renoncer aux grandes enjambées. C’est angoissant de ne jamais savoir où l’on pose les pieds. Rien n’est plus sûr. Rien n’est jamais solide.
La confusion est entretenue par l’éclat que semble produire l’étrange brouillas. Il se montre presque attirant. Il hypnotise, fascine, obnubile. Sa lueur rend aveugle. Au lieu de dévoiler la route, elle la dissimule. Sournoise. Mensongère. Perfide.
Le petit homme n’a pas le choix. La piste est toute tracée. Le voyage est balisé par d’immenses murailles. Leur ampleur est abyssale. Vertigineuse. La terre, la roche sont profondément entaillées. Mais l’infrangible faille n’a jamais rien eu d’apaisant. Indestructible, elle n’offre pourtant aucune sécurité. Elle oppresse. Elle soumet.
La falaise est couverte de dépouilles. De monumentales momies. Les silhouettes claustrales ont fusionné avec la pierre. La plupart ont l’air d’épier le pèlerin. Une main décharnée lance une infortune. Cruelle. Inattendue.
Un frocard regarde au-delà. Est-il distrait par le vol des croqueurs de destinée ? Ou bien s’est-il enfin abandonné à l’aurore éternelle ? Le Ciel pointe. Et sa clarté se diffuse. Discrète et séduisante.
Notre pauvre bougre porte un flambeau. Le feu est vif. La Lumière n’a jamais capitulé. Sauvé, il traverse encore les limbes de cette terre. Mais la victoire est déjà acquise. Il laisse derrière lui une fumée âcre. L’ombre de la mort. Résolument, il chemine. Comme un vivant !
La main du Seigneur se posa sur moi,
par son esprit il m’emporta
et me déposa au milieu d’une vallée ; elle était pleine d’ossements.
Il me fit circuler parmi eux ;
le sol de la vallée en était couvert,
et ils étaient tout à fait desséchés.
Alors le Seigneur me dit :
« Fils d’homme,
ces ossements peuvent-ils revivre ? »
Je lui répondis :
« Seigneur Dieu,
c’est toi qui le sais ! »
Il me dit alors :
« Prophétise sur ces ossements.
Tu leur diras :
Ossements desséchés,
écoutez la parole du Seigneur :
Ainsi parle le Seigneur Dieu
à ces ossements :
Je vais faire entrer en vous l’esprit,
et vous vivrez.
Je vais mettre sur vous des nerfs,
vous couvrir de chair,
et vous revêtir de peau ;
je vous donnerai l’esprit,
et vous vivrez.
Alors vous saurez que
Je suis le Seigneur. »
(Livre d'Ezékiel 37, 1-6) ❓
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AA72 ❓
Zdzislaw BEKSINSKI, 1972

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