Le Chevalier fidèle
- Mathieu DEVRED
- 22 nov. 2020
- 2 min de lecture
Il aurait bien tort, le fier chevalier, de se prendre pour le roi. Il serait bien fou de défendre seul la veuve et l’orphelin. La quête du Graal serait bien vaine s’il la menait en son nom. Nul de s’empare du calice. Nul ne possède celui qui se donne.
Ils se sont perdus ceux qui ont cru posséder la vérité. Ceux qui se sont montrés intraitables. Ils pensaient prendre sa défense. Ils ont fini par oublier de la servir. Ils se sont même servi d’elle. Tel des soudards qui s’accaparent la table du malheureux. Des mercenaires qui s’emparent de la couche du faible.
Qu’il est sot celui qui s’enorgueillit des victoires de ses camardes. Il claironne, hissé sur les dépouilles de ceux qui se sont battus. Il se construit un piédestal sur le cadavre des vaincus.
Est-il naïf ou inconscient celui qui se précipite sur les chemins ? Est-il présomptueux ou vaniteux, celui qui s’engage, trop sûr de sa route ? Il n’a que vaguement écouté le maître. Il s’imagine être de toutes ses confidences. Il se sent fin stratège. Chef de guerre et ministre. Monseigneur et échevin.
Le chevalier fidèle, lui, ne manque pas à sa promesse. Il n’oublie pas la nuit de l’adoubement. Cette veillée, il s’est senti seul. Petit. Fragile. Au petit matin, au grand jour, il a été choisi. Le Roi l’a tiré de la nuit. Et ce n’est pas pour y retomber ! Jadis, Lucifer portait la lumière. Il l’a retenue. Et le feu s’est éteint en lui. Pour toujours.
Aujourd’hui, l’indigne vassal monte dans l’oratoire. Piètre édifice de bois. Lavé par l'eau du baptême, il dépose son casque. Et l’épée. Plus rien ne le protège. La route va être longue. Et incertaine. L’ami sera peut-être méchant homme. L’ennemi supposé, précieux allié. Qui sait si les vivres viendront à manquer ? Si les plans devront être révisés ?
Peu importe. De sa croix, le Roi des rois se penche. Et il l’embrasse. Il ne cesse de descendre plus bas. Dans toute misère, il sera là. La route, c’est lui qui la tracera. Humble sentier. Sûre destinée. Nul besoin de défendre le Crucifié. Le secret, c’est de se donner.
La mort étant venue
par un homme,
c’est par un homme aussi
que vient la résurrection des morts.
En effet,
de même que tous les hommes
meurent en Adam,
de même c’est dans le Christ
que tous recevront la vie,
mais chacun à son rang :
en premier, le Christ,
et ensuite,
lors du retour du Christ,
ceux qui lui appartiennent.
Car c’est lui qui doit régner
jusqu’au jour où Dieu
aura mis sous ses pieds
tous ses ennemis.
Et le dernier ennemi
qui sera anéanti,
c’est la mort.
Et, quand tout sera mis
sous le pouvoir du Fils,
lui-même se mettra alors
sous le pouvoir du Père
qui lui aura tout soumis,
et ainsi, Dieu sera tout en tous.
(1 Corinthiens 15, 21-23.25.26.28)
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The Merciful Knight
Edward BURNE-JONES, 1863

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