Le Cri du Juste
- Mathieu DEVRED
- 10 oct. 2020
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 févr. 2021
Job est un homme qui a souffert. Un homme qui souffre encore. La mort est venue l’accabler, jusque dans ses proches. Satan se joue cruellement de lui. Et il n’en peut plus. Il crie sa douleur. Il crie vers ses amis. Du moins, si nous pouvons encore les appeler ainsi.
Ces braves hommes s’honorent de lui donner de bonnes paroles. Ils veulent trouver un sens à ses épreuves et, en réalité, ne font rien d’autre que l’écraser. Ces bien-pensants, à force d’onctueuses sentences, finissent par rendre monstrueux le nom de Dieu. Ils se voient respectueux dévots, mais ne sont que d’hypocrites tartuffes. Les plus proches montrent Job du doigt. Il était meurtri pas des plaies. Ce sont maintenant les regards noirs qui le déchirent. Son état dégoûte jusqu’à sa propre épouse.
Accablé, le vieil homme se révolte devant tous ces outrages. Il rejette les jugements hâtifs, ne supporte plus les regards condescendants. Jusque-là connu pour sa droiture et son intégrité, il va plus loin. Beaucoup plus loin. Il crie vers Dieu. Il crie même contre Dieu. Il l’accuse. Il hurle sa solitude devant le Créateur. Ce Dieu qui pourtant remplit tout l’univers. Il se sent horriblement seul et perdu. Et c’est ce profond désarroi qu’il veut voir graver dans la pierre. Pour toujours.
Mais Job n’aurait-il pas dû préférer laisser, à la postérité, une affirmation sans faille que Dieu est vivant ? Qu’il est la source de la vie. Bien entendu, cela, il le croit. Et il le proclamera avec une générosité confondante. Mais, avant tout, il doit crier sa détresse. Un cri que beaucoup prennent pour un blasphème. Il prononce des mots terribles contre Dieu. Et il veut les voir graver pour toujours. Ce murmure vociféré, c’est une profession de foi. Ou, du moins, il est indissociable d’un juste Credo.
Sachez que c’est Dieu
qui a violé mon droit
et qui m’a pris dans son filet.
Si je crie à la violence,
pas de réponse ;
j’ai beau appeler,
pas de jugement !
Mon haleine répugne à ma femme,
mon souffle à mes propres enfants.
Tous mes confidents m’ont en horreur,
ceux que j’aimais
se sont tournés contre moi.
Ah, si seulement
on écrivait mes paroles,
si on les gravait sur une stèle
avec un ciseau de fer et du plomb,
si on les sculptait dans le roc
pour toujours !
Mais je sais, moi,
que mon rédempteur est vivant,
que, le dernier,
il se lèvera sur la poussière.
(Livre de Job 19, 6-8.17.19.23-25)
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Job réprimandé par ses amis
William BLAKE, 1805-1806

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