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Le Sang du juste

  • Photo du rédacteur: Mathieu DEVRED
    Mathieu DEVRED
  • 24 mai 2020
  • 2 min de lecture

Cris. Douleur. Tristesse. Tristesse infinie. Adam retient son cœur. Il sent que sa poitrine va exploser. C’est son enfant qui gît sur ses genoux. Le plus jeune. Abel. Ève est effondrée. Il est bien loin le Paradis terrestre. Terriblement loin. Nous connaissons le récit de nos premiers parents. Le jardin. Le fruit défendu. Puis le Serpent. Et la longue route. Hors de l’Éden. Mais, ensuite, nous les avons perdus de vue. Après tout, ils ont désobéi. C’était leur faute. Tant pis pour eux, pensons-nous.

Adam retient son cœur. Ève est effondrée. Leur fils est mort. Le premier mort de l’histoire. Le premier d’une interminable liste. Mais c’est leur fils. Et il est mort. Ce deuil, c’est le leur. Et personne ne pourra le comprendre. Chaque vie est unique. Chaque chagrin, aussi. Le corps est encore là. Il tient en équilibre. Comme le fléau d’une balance. Il était si juste, leur garçon. Et son frère l’a tué. Rongé par la jalousie. « Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? » (Genèse 4, 19) Oh, non, Caïn ! Tu ne l’es plus. Tu en es l’assassin. Et nous en sommes les témoins.

Le corps est resté intact. La folie meurtrière ne l’a pas souillé. Seule une flaque écarlate dénonce l’acte odieux. Elle laisse deviner le sinistre geste. Cette échappée sans retour. Et ce crâne fracassé. Le sang crie vers le Ciel. Cette première mort, c’est un homicide. Et Dieu ne s’y résigne pas.

Au loin, brûle encore l’offrande du berger. Ce pâtre à l’existence fragile. Sa vie fut un souffle. En haut de la tour, on peut apercevoir un tout petit point rouge. Rouge sang. Encore. C’est le feu du sacrifice. Ce soir, la fumée se mêle aux nuages. Ensemble, ils atteignent le Créateur. C’est sûr, viendra un autre sacrifice. Un autre sang. Celui du Fils bien-aimé. Les fils d’Adam seront sauvés. Et nos premiers parents ne seront plus seulement des fuyards endeuillés. Ève retrouvera toute la beauté de son nom. Plus que jamais, elle sera « la vivante » (Genèse 3, 20).

« Si le juste est fils de Dieu,

Dieu l’assistera, et l’arrachera

aux mains de ses adversaires.

Soumettons-le à des outrages

et à des tourments ;

nous saurons ce que vaut sa douceur,

nous éprouverons sa patience.

Condamnons-le à une mort infâme,

puisque, dit-il,

quelqu’un interviendra pour lui. »

C’est ainsi que raisonnent ces gens-là,

mais ils s’égarent ;

leur méchanceté

les a rendus aveugles.

Ils ne connaissent pas

les secrets de Dieu,

ils n’espèrent pas que la sainteté

puisse être récompensée,

ils n’estiment pas

qu’une âme irréprochable

puisse être glorifiée.

Or, Dieu a créé l’homme

pour l’incorruptibilité,

il a fait de lui une image

de sa propre identité.

C’est par la jalousie du diable

que la mort est entrée dans le monde ;

ils en font l’expérience,

ceux qui prennent parti pour lui.

(Sagesse 2, 18-24)

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Premier Deuil

William-Adolphe BOUGUEREAU, 1888

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