Les trois Naissances

Oh, mais qu’il est mignon ! Le tableau est touchant. Une mère et son fils. Un décor bucolique. Une scène familiale comme tant d’autres. Mais les apparences sont parfois trompeuses. L’Enfant est nu. Il grelotte posé sur le sol. Quelle mère pourrait laisser son enfant ainsi ? En fait, elle ne le laisse pas. Le petit est en train de naître. Là où l’image est pudique, les textes anciens le sont moins. C’est à l’accouchement même que nous assistons. Les longs plis du manteau figurent le cordon. Le nouveau-né, un vrai petit gars, est encore relié à Notre-Dame.

La Vierge sait que l’Enfant est de Dieu. Elle a ôté son voile sans crainte des moqueries. Tête nue veut souvent dire petite vertu. Peu importe. Elle utilisera le drap pour couvrir la nudité de celui qui a pris chair. Ce même geste, au pied de la Croix, lui fendra le cœur. Les bêtes ne s’y sont pas trompées. « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. » (Isaïe 1,3) Il se penchent avec délicatesse. D’ailleurs, le tout-petit semble tomber du Ciel. Les anges accompagnent sa trajectoire. Le montant de la mangeoire marque la fin de sa chute. Le Fils, engendré non pas créé, descend sur un lit de paille clairsemé !

Un ultime détail. Le Christ nu repose sur un linge liturgique. C’est le corporal. Celui qui reçoit le Corps du Seigneur, le pain consacré à chaque messe. « Le vrai pain venu du ciel […] le pain de Dieu, […] celui qui donne la vie au monde » (Jean 6, 32-33) nous est encore offert aujourd’hui, de bien des manières.

Nous devons distinguer

trois naissances en Jésus-Christ :

sa naissance divine

par laquelle le Père

l’engendre dans l’éternité ;

sa naissance humaine,

par laquelle sa Mère

l’enfante dans le temps ;

et sa naissance spirituelle,

par laquelle la grâce

le produit dans nos âmes.

(…) Selon la divinité,

il naît toujours

de son Père ;

selon la chair,

il naît une fois seulement

de sa Mère ;

et selon l’esprit,

il naît souvent par la grâce. 

(Ludolphe le Chartreux)

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🖼 Adoration de l’Enfant Jésus

Stefan LOCHNER, 1445